Du Vent dans mes mollets / Raphaële Moussafir – Intervista, 2006

du vent dans mes mollets

A marcher sous la pluie 5 minutes avec toi, et regarder la vie tant qu’y en a.*

 

Des fois, souvent, presque toujours, la vie c’est beau, moche, triste, joyeux, rigolo et ça fait pleurer, le tout quasi concomitamment.

C’est un peu ça, Du vent dans mes mollets. C’est la vie en drôle, en triste, en vrai.

Ça commence par une autrice, Raphaële Moussafir. Elle fait un atelier d’écriture pour une pièce de théâtre, et elle écrit cette histoire de la petite Rachel. Puis on lui propose de transformer sa pièce en roman, elle reprend l’écriture de l’histoire et bam, ça fait Du vent dans mes mollets. Comme dirait ma précieuse acolyte, t’as du talent, ou t’en a pas. Visiblement, et de toute évidence même, du talent, ici, il y en a. A foison même.

Le truc, c’est que Rachel, 9 ans, elle dort tout habillée avec son cartable sur le dos, personne sait pourquoi, pas même elle. Du coup, ça interroge un peu ses parents, qui l’obligent à perdre son précieux temps avec une psychologue, Mme Trebla, alors qu’elle a bien d’autres choses vachement plus intéressantes à faire, comme parler à sa grand-mère morte, jouer avec sa copine méga-cool Hortense, qui n’a pas une famille de vieux, elle.

J’ai eu envie de dire à madame Trebla que je ne suis pas curieuse mais que quand je m’emmerde, je fais comme tout le monde : je fais semblant de lire ce qu’il y a sur les murs pour pas qu’on voie que je m’emmerde.

Le ton est donné. Rachel n’a pas la langue dans sa poche, elle est vive, insolente, pertinente, elle observe et apprend, elle vit et se retrouve confrontée à ce que la vie à de de meilleur, et de pire. Comme tout le monde. Cette petite fille n’est pas forcément beaucoup plus intelligente qu’une autre, à contre-courant, oui, mais pas plus intelligente. Elle n’a pas une situation pire ou meilleure que celle des autres enfants de son âge.

Une mère qui la surprotège, un père qui a du mal à vivre le présent, à cause son passé d’ex détenu en camp de concentration, une meilleure amie complètement délurée, une grand-mère qui continue de partager sa chambre même après sa mort, tous ces ingrédients donnent du goût à la vie Rachel. Des grandes joies et des grandes peines, des petits problèmes qui prennent beaucoup de place, le tout porté par l’écriture vive et fraîche de l’auteure. Le regard est pétillant, vif, intelligent, jamais niais, ou alors, à desseins. On s’y croit, on s’y voit ; cette façon de prendre la parole des adultes au 1er, de s’y croire, de jouer à la vraie vie, vraiment, on est drôlement sérieux quand on a 9 ans.

J’ai éclaté en sanglots. Alors maman m’a arraché le téléphone des mains. Barbie a dit à maman qu’à cause de moi, elle n’était plus sûre de vouloir renouveler notre précieuse amitié, mais qu’elle priait maman de la régulariser à hauteur de cent cinquante francs, faute de quoi, elle ne m’enverrait pas l’ombrelle cœur d’amour qu’elle m’avait promise pour mon anniversaire. Maman lui a répondu qu’elle ferait mieux de se carrer son ombrelle à la noix dans ce qui lui servait de trou de balle, au lieu de se faire du fric sur le dos des petites filles en les traumatisant. À ce moment-là, j’ai parlé à mamie dans ma tête, mamie qui me regarde partout et tout le temps, et je lui ai juré que moi aussi, si j’avais une fille aussi conne que ma mère, j’en serais morte.

Cette histoire ne raconte pas un destin extra-ordinaire, elle ne met pas en lumière une personnalité hors-du-commun, mais elle fait se lever le soleil sur la vie de tous les jours, avec ses belles lumières et ses zones d’ombres.

La vie de tous les jours, c’est celle où la mort est partout. La mort triste, mais aussi la moins triste, celle qu’on a accepté et celle qu’on ne peut pas comprendre, celle qui est normale et celle qui n’a pas de sens.

Il y a des livres qui sont supers, vachement bien même. Et il y a en a d’autres qui sont géniaux ; Du vent dans mes mollets fait évidemment partie de la seconde catégorie, parce qu’encore une fois, il parle vrai, il aborde tous les sujets simplement, vraiment, sans en rajouter et sans en omettre non plus, sans tenter d’expliquer l’inexplicable ou de rendre accessible ce qui ne l’est pas mas en abordant tout ce qui est abordable. C’est un roman grandeur d’enfant, pour prendre de la hauteur en tant qu’adulte.

On rigole dans ce livre, on rigole beaucoup, d’un vrai rire franc, libérateur, qui nettoie de tout, mais on pleure aussi, parce que c’est comme ça, toujours, la vie, et que les larmes, ça lave aussi.

Là, dans ses bras, j’ai laissé mon regard se sauver par la fenêtre. Et j’ai remarqué que, quand on est triste ou qu’on vous annonce une mauvaise nouvelle , la vie autour ne change pas. Les gens, les objets font comme si de rien n’était . Et ça, ça me rend encore plus triste. Comme le jour où mamie est morte. J’étais dehors, et il y avait du vent. Quand on m’a dit que mamie était morte, il y a quand même continué à avoir du vent dans mes mollets.

Voilà, moi aussi, quand on m’a dit que Margaux était morte, il y a avait du vent et des rires et des jeux. Et la vie autour de moi ne s’est pas arrêtée, elle a fait comme si de rien n’était. Alors que le monde de ses parents venait de s’écrouler, le mien continuait de tourner. Et ça m’a rendu encore plus triste.

I’m stepping through the door
And I’m floating in a most peculiar way
And the stars look very different today
For here
Am I sitting in a tin can
Far above the world
Planet Earth is blue
And there’s nothing I can do**

Cet article est pour Margaux et les petites graines, entre autres.

*Paroles de la chanson de Renaud, Mistrals gagnants

**Paroles de la chanson de David Bowie, Space Oddity

Extrait audio de Du vent dans mes mollets

Extrait vidéo

http://www.commeaucinema.com/bandes-annonces/du-vent-dans-mes-mollets,208985

parce que l’œuvre est aussi disponible sous forme de livre audio, lu par l’auteur, et a adaptée en film, aussi.

Laisser un commentaire